Le graveur Nicolas Eekman est peu connu du public mais le don réalisé par sa fille est l’occasion de le mettre en lumière. C’est environ 238 œuvres qui sont entrées dans les collections, principalement des gravures. Quelques informations à son sujet avant de découvrir les œuvres de l’exposition. L’artiste est né en 1889 à Bruxelles. Il passe sa jeunesse en Belgique, il y fera des études d’architecture, peignant et sculptant dans le même temps. Pendant la première Guerre mondiale, il séjourne aux Pays-Bas avant de s’installer en France après le conflit. La plus grande partie de sa carrière s’effectue à Paris où il décède en 1973.
Dans son œuvre, l’influence du Nord se fait sentir, il se s’appelle lui-même le « Flandrien ». Les artistes qui l’influencent sont Brueghel ou encore Van Gogh. Tout comme l’artiste flamand, il s’intéresse au « petit peuple » : les paysans, les vagabonds, les amants, …
Sa patte est facilement reconnaissable : ses personnages sont emprunts d’humanité et de grandeur. Ses dessins reflètent le cubisme, courant proche des expressionnistes flamands. Il refuse de suivre les avant-gardes et leurs principes. La fin de sa carrière évoluera vers le fantastique.
Ce que je trouve très intéressant dans l’exposition au musée de l’estampe, c’est que plusieurs des matrices en bois sont également exposées, permettant ainsi aux visiteurs de pouvoir admirer le travail et le procédé de la gravure. Sur la matrice, le motif doit être sculpté à l’envers par rapport à ce qui sera visible sur le papier. Et sur la matrice, ce qui sera recouvert par l’encre est ce qui n’a pas été sculpté par la gouge. Les creux resteront blancs lors de la phase d’impression.


Voici d’autres exemples de gravure sur bois présentées dans cette première section. Je dois avouer que je n’ai pas été transportée par les œuvres sur bois même si certaines d’entre elles m’ont fait penser à un autre artiste, Otto Dix, que j’aime particulièrement.



Partons maintenant à la découverte des différentes phases de sa carrière et commençons par la période lors du premier conflit mondial qu’il passe aux Pays-Bas. Il sera accueilli par son ami le pasteur Bart de Ligt, dans son presbytère à Nuenen. Anecdote, il a vécu au même endroit que Van Gogh avant lui, artiste qui devient le nouveau pilier pour les artistes néerlandais lors de sa récente redécouverte.
« Nicolas Eekman décrit un univers volontiers sombre où les champs du Brabant sont délimités rigoureusement et d’où émergent, dans un ciel nuageux, quelques sentinelles impressionnantes, tours de guet médiévales, hautes futaies ou moulins aux ailes inquiétantes. »
L’année 1916 est celle où il privilégie la technique de l’eau-forte pour graver. C’est d’ailleurs un véritable coup de cœur en ce qui me concerne pour ce travail avec cette technique. Je trouve que ces eaux-fortes en petit format sont puissantes, de détails, d’émotions et rendent très bien cette atmosphère parfois inquiétante de ce pays qui a été épargné par les combats mais où l’austérité est particulièrement présente.
L’église et le moulin d’Eersel auront le droit à plusieurs planches tandis que la planche Les barques échouées représente bien les premières années de création de Nicolas Eekman.




Le conflit terminé, le paysage prendra beaucoup moins de place dans ses œuvres au profit de l’humain. Il devient engagé évoluant vers un athéisme militant d’où surgit les figures d’ouvriers agricoles en pleine réalisation de leurs tâches ou lors de grèves.
Le format de la gravure se réduit, à l’état de vignette le plus souvent, reprenant ainsi les imagiers qui étaient réalisés au Moyen Âge. Le support pour ces gravures est uniquement le bois.
La gravure est out autant une activité que le dessin en lui-même. En effet, cette technique permet de multiplier le motif et cela lui permet d’être connu à une grande échelle et d’entrer dans les collections des musées, belges et hollandais puis après la Première Guerre mondiale ceux du monde entier. Dès 1917, les musées d’Amsterdam, d’Arnhem et de Dordrecht lui achètent des œuvres, chose rare pour les jeunes artistes qui ne sont pas encore consacrés. Il est découvert comme l’un des meilleurs dans son domaines grâce à sa maîtrise parfaite de la gravure sur bois et la technique de l’eau-forte.



1921 est l’année de son arrivée en France. Il arrive à Paris avec sa première compagne. L’atmosphère et l’ambiance du Montparnasse des années 1920 bouscule l’univers de Nicolas Eekman, son imaginaire. L’architecture se fait plus présente et devient la toile de fond des œuvres composées de personnages plus joyeux et avec les influences de ses voisins de café que sont Piet Mondrian, Moïse Kisling, Georges Vantongerloo ou Théo van Doesburg. Des influences autres se font sentir avec une objectivité que l’on retrouve dans les œuvres de George Grosz ou un onirisme poétique à la Marc Chagall.


Une rupture dans son œuvre va se sentir au moment de la mort de sa compagne, laissant l’artiste seul pour élever leur fille. Il rencontre sa deuxième compagne, qui travaille dans le galerie Jeanne Bucher qui l’expose depuis 1924, et se marie avant de déménager à Boulogne-Billancourt. La ville est pleine d’effervescence avec les studios de cinéma, les ateliers de construction d’aéroplanes et d’automobiles. Elle accueille aussi de nombreux artistes comme Juan Gris, Jacques Lipchitz ainsi que des marchands d’art comme Henry Kahnweiler.
Les sujets sont réalisés avec la technique de la point sèche ou de la gravure sur bois. Elles témoignent d’une vie heureuse et stable. Il continue de fréquenter le quartier Montparnasse. La nostalgie de la Hollande ainsi que les virées en Bretagne et à Sanary lui inspirent d’autres sujets.
Plus que de la nostalgie, les influences du Nord sont très présentes dans son art. Nous avons déjà indiqué qu’il s’appelait lui-même le « Flandrien ». La culture flamande et les Pays-Bas le marquent, voici ce qui est écrit par deux historiens de l’art à ce propos
« Brueghel autant que Van Gogh et qu’Eekman donne l’image générale et constante du paysan, bourru, rigide, âpre et têtu. Brueghel et Eekman, tous deux, à quelques siècles d’intervalle nous fixent l’image du peuple flamand, dans ses paysans, mendiants, rebouteux et camelots, estropiés, et fous de village, avec tous les contrastes de richesse et de misère, d’abondance et de souffrance » (Jacob Baart de la Faille)
« Il y a quelque chose de « breughelien » dans l’art du Hollandais moderne, cela tient moins à une influence subie qu’à une communauté de sentiment entre le vieux maître et le jeune graveur et peintre, à l’égard du peuple, de ses coutumes, de ses façons d’être et d’agir » (Paul Fierens)
Toujours un crayon en poche, il croque la « gueule » (que l’on appelle aussi la « trogne ») du paysan, du pêcheur ou du vagabond. Dans son carnet, il note aussi ses impressions en plus de fixer les silhouettes. Ce qui plaît à l’artiste c’est que rien ne change dans le sujet qu’il fixe, l’homme du quotidien pourrait tout aussi bien être venu du Moyen Âge dès qu’il est observé dans son quotidien.




Après la Deuxième Guerre mondiale, il ne donne toujours pas dans le courant abstrait qui domine l’époque. Dans ses gravures et ses peintures nous sommes les témoins des mystères de la vie, il nous emmène hors du temps et dans un monde étrange où « le poisson est à la base de ses rêves d’aventure » selon René Druart.
La dernière période de création de Nicolas Eekman est dominée par l’onirisme, le monde du rêve. Il donne lui-même une explication à cela : « Le fantastique, cette couleur exaltante du faux quand il devient vrai… s’est implanté un peu à mon insu, au point qu’au début je m’inquiétais de cette intrusion… peu à peu j’ai observé les indices et je les ai acceptés. Le fantastique c’est la révélation de l’imaginaire. »



Nicolas Eekman décède à paris en 1973 laissant une œuvre riche de plus de 3 000 œuvres.
J’espère que ce petit tour d’horizon vous donne envie de découvrir Nicolas Eekman, artiste peu connu du public. Ses gravures sont visibles jusqu’au 12 novembre 2023.
Voici le lien vers l’article expliquant l’estampe : https://danslespasdececile.blog/2023/11/02/cest-quoi-une-estampe/
Voici le lien vers le site internet pour préparer votre venue : https://www.ville-gravelines.fr/expotemp/02-%20PAGE%20WEB/05InfoPratique/InfoPratique.html
A bientôt pour de nouvelles découvertes 😊
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