Affiche-toi !

Il y a quelques semaines, je me suis rendue à l’Institut du Monde arabe à Tourcoing pour y découvrir leur nouvelle exposition temporaire mettant en avant un artiste contemporain : Fares Cachoux. Je ne connaissais pas du tout l’artiste mais j’ai eu un gros coup de cœur pour le visuel de l’affiche. Il ne m’a ainsi pas fallu beaucoup de temps pour me décider. Profiter de la réalisation d’une visite guidée pour le compte de l’Office de tourisme de Lille et aller s’aérer l’esprit après avec cette exposition. Tout est affaire de planification et de coordination 😊

L’exposition commence avec une présentation de l’artiste et de son travail.

Son travail est à mi-chemin entre l’affiche et la peinture de grand format. Les sujets représentés mettent en scène des éléments, des concepts, des stéréotypes de la société actuelle : son œuvre est engagée avec un regard pertinent, incisif et judicieux.

C’est en 2011 que Fares Cachoux se fait connaître avec ses affiches à propos de la révolution syrienne. C’est son pays natal qui est ainsi mis en exergue dans les affiches. Il dénonce les actions commises par le régime à l’encontre du peuple. Les pays du Golfe se sont aussi vus affichés par son regard d’artiste, espace géographique où il a vécu pendant dix ans. Par le biais de son travail il met en lumière nos propres paradoxes, une société prise entre deux eaux, entre la tradition et la modernité. Un autre sujet qui apparaît comme un fil rouge dans son œuvre : l’environnement et ses enjeux, la nature nourricière qui nous entoure.

Ce que j’ai beaucoup aimé dans l’œuvre de Fares Cachoux c’est son style minimaliste et les couleurs vives mettant en avant le message. Une silhouette avec des motifs très discrets mais qui commente un sujet sur un fond de couleur éclatant : un moyen clair et net pour transmettre un message qui se veut percutant.

Ses œuvres sont régulièrement publiées dans les journaux comme Le Monde, Le Temps, Courrier International, Huffington Post. Ses affiches politiques sont également présentes dans les manuels scolaires français pour apprendre à décrypter les messages.

Il se consacre entièrement à l’art et s’installe en France en 2021.

L’exposition démarre avec sa série de Queen.

Cette série est une célébration à la fois de la femme et de la nature : chacune des femmes est accompagnée d’un animal, animal qui souligne la symbiose entre les deux.

La série est ainsi construite sur le même schéma mais avec des variations. Le thème qui ressurgit à travers elles est l’urgence environnementale et l’épuisement des ressources naturelles et premières. Il faut ainsi reconsidérer notre mode de vie et les priorités. L’artiste met en avant la reine orientale parce qu’elle est vectrice de force, de simplicité, de courage et d’adaptation face à l’adversité

La notion de liberté d’expression, de mouvement est très présente dans son œuvre ainsi que la guerre accompagnée des restrictions et oppressions. Le thème du voyage, voulu ou imposé transparaît.

Tout se cache dans le détail des silhouettes, en vous approchant vous découvrez une nouvelle lecture de l’affiche.

Une autre série est présentée un peu plus tard, mais qui reprend ce thème de la guerre. A travers ses affiches, il veut nous questionner sur notre rapport à la guerre, ainsi qu’aux armes ou encore à la mort. Les visuels que l’artiste réalise déstabilisent avec un choc visuel. La violence est camouflée par les pois colorés, qui vont plutôt faire référence à l’enfance. Ainsi, le message est aussi un message pour ne pas banaliser la violence ou montrer que c’est déjà le cas dans nos sociétés ?

En entrant dans l’exposition, le premier espace est consacré aux Queen, mais ce qui attire l’œil c’est la scénographie qui met au fond de la pièce, toute la lumière sur l’œuvre réalisée en hommage à Samuel Paty.

C’était un professeur d’histoire-géographie dans les Yvelines. Il a été assassiné en 2020 pour avoir enseigné la liberté d’expression aux élèves.

Sur cette affiche, nous y retrouvons la figure de Marianne, allégorie de la République française. Elle est reconnaissable avec le bonnet phrygien. L’épi de blé positionné dessus représente la France fertile et généreuse, quand le rameau d’olivier exprime la paix et la prospérité.

Chez l’artiste, Marianne est une jeune femme, belle, forte, sereine et incarnant le pacifisme, tournée vers l’avenir.

Derrière cette jeune Marianne, le coq, animal emblématique du pays, est accompagné d’une hache, symbole de force pour se défendre. Le coq est aussi synonyme de la fin des ténèbres et de l’arrivée d’une aube nouvelle par son chant très matinal. Dernier élément visible, en arrière-plan, une rosace dans les tons rouges : une France qui rayonne par la culture et les arts de par le monde.

Nous avions évoqué un peu plus haut, la présence de l’environnement dans l’œuvre de l’artiste. Une série d’affiche dénonce une société de consommation épuisant les ressources de la Terre, et qui se condamne elle-même. Une société humaine faite de bruits de machines qui disparaît et qui laisse la nature reprendre ses droits sur les bâtiments abandonnés, sur les objets emblématiques de cette fièvre consommatrice. La nature reprend le dessus pour commencer u nouveau cycle, celui de la beauté renouvelée, retrouvée.

La tolérance est aussi un maître mot. Elle transparaît par les vêtements, l’apparence physique, la liberté d’expression. Cette notion est  mise en avant et remise en question dans l’affiche avec le crocodile et l’oiseau. Qui a le privilège de la tolérance : le plus fort ? est-ce que le plus faible peut lui aussi l’être ? Nous pouvons citer des personnalités historiques qui ont répondu à cette question à leur manière : Martin Luther King, Mahatma Gandhi.

Une série qui m’a aussi beaucoup interpellé, c’est celle intitulée Eye to Eye. En effet, elle nous confronte directement à la société et son fonctionnement par le biais des codes vestimentaires. En l’occurrence cette série est née pendant la période où Fares Cachoux travaille pour plusieurs musées aux Émirats arabes unis, à Doha au Qatar.

Cela part de l’observation d’un mode vestimentaire en noir et blanc, et en particulier à la seule partie visible chez la femme derrière son niqab. C’est le seul accès vers la personne en tant que telle. Mais cet élément vestimentaire freine un dialogue simple et efficace étant donné que nous ne voyons ni les yeux, ni le visage de notre interlocutrice. Cette interrogation de l’accès à la personne, à son identité, a été mondialisé avec le masque que nous avons porté pendant la pandémie du coronavirus. Nous pouvons aussi nous poser la question par rapport aux uniformes, aux costumes qui nous dissimule dans une foule et questionne sur la notion d’individualité.

Pour dynamiser et mettre le message en avant, les couleurs vives, colorées sont mises en arrière-plan. Les affiches veulent être à la fois un vecteur d’équilibre entre les traditions locales, la société de consommation ainsi que la mondialisation.

Au début de l’article, nous avions vu que c’est la série d’affiches réalisées pendant la révolution syrienne qui avait mis Fares cachoux sur le devant de la scène, c’est l’objet de la salle suivante dans l’exposition. Suivant au quotidien cette révolution, les images laissées possèdent une grande force : des cris de liberté du début à la lutte sanglante qui suit. Ce conflit a impliqué plusieurs entités au niveau local, régional et international.

Revenons sur ces silhouettes stylisées à l’extrême mais qui permettent par la même occasion de faire passer un message fort et compréhensible par tous. Les images deviennent des témoins des phases majeures de ce soulèvement en Syrie et laissent des traces des personnalités qui ont dominé la mémoire collective pendant près d’une décennie.

Les œuvres de l’artiste sont reproduites sur les murs des villes et villages syriens. Affiches qui ont disparus pendant un temps laissant la place à de l’affichage plus officielle, propagande du gouvernement en place.

L’œuvre de Fares Cachoux illustre le pouvoir sous-jacent que possède l’art parce qu’il peut atteindre un très grand nombre de personnes quand le message est porteur de respect et d’empathie.

La fin de l’exposition revient sur les publications qui reprennent les illustrations de l’artiste, illustrations qui sont à nouveau tout en couleur pour contraster avec le message.

Voilà, le petit tour rapide est terminé, j’espère qu’il vous donne envie d’aller à la découverte du travail de cet artiste contemporain.

L’exposition est visible jusqu’au 14 juillet 2024. Voici le lien vers le site de l’Institut pour préparer tranquillement votre déplacement : https://www.ima-tourcoing.fr/institut-monde-arabe-tourcoing/fares-cachoux-i-figures-contemporaines/

Et voici le lien vers le site internet de Fares Cachoux : https://farescachoux.com/

A très vite pour de nouvelles découvertes 😊

Laisser un commentaire