Pour la troisième fois depuis sa réouverture en 2010, le musée de Flandre met en avant l’art contemporain pendant une exposition temporaire. Après la thématique des animaux, la graveuse Agnès Dubart, l’année 2023 fait la part belle à Hans op de Beeck. Pour les habitués du musée, cela n’est pas la première fois que l’artiste est exposé. En effet, pour les 10 ans du musée, Blossom tree faisait partie de la sélection d’artistes contemporains exposés dans la cour du musée.
Pour l’exposition intitulée Silence & Résonance, une vingtaine d’œuvres sont disposées à travers les collections du musée, entrant en dialogue avec elles, soulignant les liens et les différences qui existent entre elles.
Partons découvrir quelques œuvres de l’artiste belge qui invente son alphabet, c’est-à-dire qu’il y a des motifs, des sujets qui se répètent et permettent ainsi de le reconnaître facilement. Après la lecture de l’article et votre visite au musée, vous allez devenir incollable !
Les œuvres présentées ont toutes un point commun : l’absence de couleurs. Vous allez naviguez à travers des œuvres composées, de noir, de gris et de blanc. Surprenant au premier abord, mais édifiant à regarder, notamment les travaux en volume qui se trouvent à l’étage du musée.

Les premières œuvres ont été une très belle découverte 😊
Deux aquarelles grand format, l’une représentant la mer On the ocean et la deuxième un paysage de neige Snow Landscape. Cette technique ne permet pas de retouche après la réalisation, le geste doit être sûr, sinon il est nécessaire de reprendre du début. Impressionnant quand on voit la taille des œuvres…
D’un côté, une mer peinte en nocturne qui permet d’apercevoir les nuances que peuvent prendre l’eau et le ciel pendant cette partie de la journée. Et surtout le mouvement est présent même s’il est figé sur le papier. Nous pourrions nous attendre à entendre le bruit des vagues. Et de l’autre côté, un paysage paisible au sein d’une forêt où nous pouvons nous imprégner des sons par la même occasion : le bruit du ruisseau, les rares oiseaux et animaux, le bruit des pas sur la neige…

Ces deux aquarelles sont mises en dialogue avec Saint-Christophe portant l’enfant Jésus pour la première et deux tableaux de Leytens pour la seconde. Avec la représentation de saint Christophe, c’est l’utilisation de la palette qui est mise en avant. Quand les maîtres flamands utilisaient la couleur pour mettre en avant les sujets, les détails et la perspective, Hans op de Beeck quant à lui utilise une palette de couleur très limitée étant donné que le blanc correspond au support qu’est le papier.
Leytens est un artiste qui se spécialise, comme la plupart des artistes flamands, dans un domaine : le paysage. Mais ici, il se spécialise sur un type de paysage en particulier qui est le paysage de neige. Il va montrer au spectateur qu’il n’y a pas qu’un seul blanc mais tout une palette en nuance.
La peinture à l’huile et l’aquarelle possède un point commun de mon point de vue de novice : la possibilité d’obtenir des nuances très subtiles donnant ainsi le relief, la vie aux œuvres.
Autre élément ressortant de cette comparaison, c’est que l’être humain n’est pas forcément nécessaire pour connaître l’échelle du paysage, comme cela pouvait être le cas dans le passé. Les figures humaines dans les tableaux de maîtres flamands nous donnent cette idée de grandeur ou de petitesse de l’humain, en fonction du côté où nous nous situons. Alors que l’être humain n’est pas nécessaire pour apprécier les œuvres d’Hans op de Beeck (il ne s’agit là que de mon avis personnel). Peut-être que la taille des œuvres y joue un rôle.
Une série de photographie clôture le rez-de-chaussée, Determination. Il s’agit de portraits d’enfants pris dans le cadre d’un projet réalisé aux États-Unis en 2003. L’objectif était de mettre en images les émotions que nous pouvions ressentir en ayant les mêmes consignes tout en étant d’origines différentes (géographie, sociale…). Vous pouvez vous-même en faire l’expérience, fermez les yeux et imaginez-vous être quelqu’un d’autre, dans un lieu différent. Allez-vous avoir la même expression que votre voisin ?
C’est un travail concentré sur le visage des enfants, car nous ne pouvons voir que celui-ci sur les photographies d’Hans op de Beeck. Alors que si vous regardez le reste de la salle, les portraits sont à l’opposé. Les tableaux de portraits ont joué un grand rôle à travers l’Histoire en générale. Ils permettent le plus souvent de repositionner le modèle dans la société. Il est souvent facile de le faire grâce aux vêtements et aux accessoires qui sont représentés sur le portait : vêtements luxueux (comme la fraise, l’armure d’apparat), les bijoux (le collier de la Toison d’Or, l’abondance des bijoux). Ainsi les portraits anonymes d’Hans op de Beeck côtoient les portraits de Philippe le Bon, duc de Bourgogne et des Archiducs Albert et Isabelle pour ne citer qu’eux 😊 La peinture de portrait est l’équivalent de notre photographie. Il permet de diffuser l’image des souverains et personnes de pouvoirs.
Prenons l’escalier qui nous amène à l’étage et à une autre partie du travail de notre artiste : les sculptures. En effet, à l’étage, vous allez profiter des œuvres en volume, qui ont rarement été sculpté à l’échelle. Et commençons par …
… la plus grande exposée dans le musée !

Il s’agit d’un de mes coups de cœur de l’exposition !
Vanitas XL est assez transparente au niveau de l’interprétation, surtout si vous regardez les tableaux accrochés autour de vous dans la salle. Elles sont quasiment toutes regroupées sous le thème de la vanité, ou nature morte. C’est-à-dire la représentation d’objets inanimés. C’est un genre apprécié des peintres flamands qui ont représentés les fleurs, les fruits et les légumes, les animaux dans des compositions plus ou moins sophistiquées, avec le thème de l’éphémère, le temps qui passe comme interprétation.
Certains artistes iront même jusqu’à se spécialiser dans un genre en particulier : le trophée de chasse. Pour découvrir de quoi il s’agit rendez-vous au niveau du tableau qui est associé à l’œuvre Dog dont je vous mets la photo juste ici. Attention, on ne le caresse pas ! Même si l’envie est forte 😊

L’évocation de la temporalité, de l’éphémère est omniprésente dans ce thème : les fleurs fanent, les fruits se dégradent, la vie humaine n’est pas éternelle, etc…
Chaque objet représenté dans une nature morte, ou vanité, possède une symbolique qui lui est propre. Si nous revenons à la sculpture, le livre correspond à la connaissance, le papillon à l’élévation de l’âme, la chandelle au passage du temps …
Vanitas XL est une œuvre en perpétuel mouvement, parce que l’artiste y ajoute un nouvel élément lors d’une nouvelle exposition et la disposition des éléments déjà présent peut sensiblement évoluer.


L’être humain a jusqu’à maintenant été peu présent dans les œuvres exposées au musée, mais remédions à cela avec les dernières salles qui le mettent en lumière.
L’enfance est un thème cher à Hans op de Beeck. Il a même répondu à un journaliste qu’il préférait qu’on se souvienne de lui comme d’un bon père plus que comme un bon artiste.
L’enfance permet par la même occasion d’approfondir d’autres thèmes comme le sommeil, le rêve, l’imaginaire.
Les enfants qui sont représentés à travers Tatiana et Timo sont figés dans l’instant. Ils sont en train d’effectuer un geste comme souffler pour former une bulle de savon ou se préparer à lancer une bille. Ces sculptures sont saisissantes de réalisme, mais nous ne pouvons communiquer avec elles. Les enfants ont les yeux fermés, comme s’ils ne voulaient pas que nous entrions dans leurs univers, dans leurs pensées.



Girl asleep est un autre coup de cœur de l’exposition. Cette jeune fille ensommeillée avec au-dessus de sa tête plusieurs libellules qui symbolisent ici le sommeil. Une sérénité est ressentie devant l’œuvre qui évoque aussi la parentalité. Ce sentiment de plénitude que le parent a devant son enfant, paisible en train de dormir…

… qui contraste avec les œuvres d’Eeckman qui sont mises en parallèle dans cette salle. Elles sont à l’opposé du paisible, tout en chaos et désordre. Un monde plein de non-dits et d’incompréhension.
Le désordre ou du moins le bruit, le mouvement se poursuit dans la salle suivante consacrée au carnaval en ce qui concerne les œuvres des collections permanentes. Car dans un coin de la pièce, la danseuse d’Hans op de Beeck semble s’être posée un court instant, le temps de reprendre son souffle avant de repartir sur les pistes de danse 😊 ou alors le carnaval, les danses sont terminées et c’est l’instant suspendu : ça y est c’est fini, je vais pouvoir me détendre ! et d’un autre côté ça y est c’est fini, il va falloir passer à autre chose. Mais le résultat reste le même : c’est l’heure du repos… Sentiment libérateur et coupable d’une personne sortant de scène, parole d’ancienne danseuse ! 😉

Les détails des sculptures sont absolument magnifique et nous pourrions rester un temps infini devant pour regarder les plumes de cette coiffe ou encore se surprendre à voir la danseuse se lever du fauteuil et soit se mettre à danser dans la salle, soit sortir tranquillement de celle-ci pour vaquer à ses occupations.

Horseman est une autre œuvre incroyable. L’homme a les yeux ouverts et nous invite à regarder dans la même direction que lui. Mais en même temps, le visiteur va avoir les yeux qui s’accrochent sur les différents objets ornant la selle : trousseau de clés, des flacons, des coquillages, des boules de Noël. Tous ces objets peuvent faire référence à des rituels qui rythment notre vie quotidienne, ou des moments de l’année. Sommes-nous réellement maîtres de nos vies ou sommes nous soumis aux rituels de la société, qui nous donnent un cadre, une sureté ?
La sculpture peut aussi évoquer celui qui recherche l’Eldorado, le bonheur. Est-ce un voyageur solitaire en quête de nouvelles aventures, de nouvelles expériences ? Ou bien est-ce un homme migrant vers de nouveaux horizons pour changer de vie en emportant avec lui que les quelques possessions qu’il peut transporter ?


La chambre des merveilles vous révèlent les dernières œuvres de l’artiste. Cette salle reprend le principe des cabinets de curiosités.
Pour rappel, il s’agit d’objets obtenus lors des voyages, le « Grand Tour » effectué par les fils de riches familles, et qui sont dans un premier temps regroupé dans un meuble avec des tiroirs fermés à clefs. Ces objets deviennent comme des petits trésors que l’on ne montre qu’occasionnellement. Puis, cela deviendra une pièce à part entière, car dans ces cabinets de curiosités, nous pouvons y retrouver des peintures, des sculptures, des instruments scientifiques, etc…
Prenez le temps d’admirer les différentes vitrines de la pièce qui vous permettent de découvrir la diversité des collections du musée : animaux, fossiles, gravures, peintures, jeux, religion.
Et je vous conseille également, si vous en avez le temps, d’aller faire un tour au musée Sandelin de Saint-Omer qui abrite également une magnifique armoire-cabinet de curiosités (vous y verrez une main de momie !)
Wunderkammer Cassel part de ce principe de meuble regroupant des curiosités. Si l’ordre et la séparation des objets en fonction de ce qu’ils sont prévaut, chez Hans op de Beeck pas de classification, pas de symétrie mais des répliques de certaines de ses œuvres ou des références à des thèmes qui lui sont chers comme : l’enfance, le chien, les objets décoratifs, les mûres, les libellules …




Et terminons par l’œuvre qui me plait le plus dans cette exposition : Gesture. Cette paire de bras sortant du mur et tenant une couronne de laurier. Il s’agit d’une série qui reprend des gestes du quotidien comme le fait de faire une bulle de savon, de pouvoir avoir un oiseau qui se pose sur notre bras. Excepté pour celle exposée, parce que nous sommes d’accord, nous ne coiffons pas tous les jours une couronne de laurier 😉



Et voilà, c’est terminé ! J’espère que cet article vous donne envie de découvrir l’exposition consacrée à l’artiste contemporain Hans op de Beeck, ou de continuer à découvrir son œuvre.
C’est une exposition qui selon moi, fait appel à nos sentiments, nos émotions encore plus que d’habitude.
Vous avez jusqu’au 3 septembre 2023, après les œuvres reprendront le chemin de l’atelier de l’artiste ou de nouveaux d’expositions 😊
Voici le lien vers le site du musée afin de pouvoir préparer sereinement votre venue à Cassel :
A bientôt pour de nouvelles découvertes !