Attention au fuseau

Profitant d’un passage dans l’Artois pour des rendez-vous, j’en ai profité pour faire un crochet par le Louvre-Lens pour découvrir l’exposition dans le Pavillon de verre (dans le prolongement de la Galerie du Temps) consacrée à la dentelle du temps du peintre Johannes Vermeer (1632-1675).

Il est né dans une famille protestante, dans la ville de Delft (Pays-Bas actuels). Il ne semble pas avoir beaucoup voyagé excepté pour sa formation de peintre. Il se convertira au catholicisme suite à son mariage avec Catherina Bolnes, et s’installera chez sa belle-mère. Sa renommée régionale va être assurée en partie par le soutien de sa belle-famille, qui lui permet de se concentrer sur une production réduite.

Si aujourd’hui le nom de Vermeer fait partie des artistes reconnu à l’international, cela ne fut pas toujours le cas. Il y a moins de quarante tableaux qui lui sont attribués et son principal acheteur fait l’acquisition de plus de la moitié de sa production, limitant ainsi la diffusion de celle-ci. Si nous le connaissons de nos jours, c’est en partie grâce au critique d’art français Théophile Thoré-Bürger (1807-1869).

Ce qui est apprécié dans l’œuvre du peintre hollandais est son habilité a représenter des scènes de la vie quotidienne baignées d’une lumière mystérieuse. Il se fait une spécialité de ces scènes en privilégiant les sujets intimistes. Ils sont le plus souvent peints dans des intérieurs calmes, et souvent concentrés sur leurs tâches comme : la lecture d’une lettre, la fabrication de la dentelle, la pratique d’un instrument de musique ou la réalisation d’une peinture.

La scène de genre est devenue le genre par excellence de Johannes Vermeer. Cela permet en plus de voir des scènes de la vie quotidienne, de voir la société de l’époque. C’est aussi l’occasion d’introduire des règles de conduite, des sujets de réflexion et une morale de manière subtile.

J’ai beaucoup aimé le panneau qui décortique la manière de peindre de Vermeer, incluant autant la technique de peinture que les matériaux. Le voici :

Voici quelques repères chronologiques qui permettent de replacer Vermeer dans le contexte historique et économique de son époque.

Le sujet de la dentellière permet aussi de mettre en avant une période économique importante pour les Provinces-Unies (nom des Pays-Bas au 17e siècle). Ce petit territoire possède un immense réseau de comptoirs à l’étranger (Europe, Asie, Afrique et aux Amériques) et l’expansion coloniale est soutenue avec la Compagnie néerlandaise des Indes orientales. On s’approvisionne en bois, en textiles précieux mais les influences voyagent également comme le prouve la coiffe de la dentelière qui est à la mode à cour royale de France et qui fait fureur en Europe.

Sans oublier, qu’à l’époque de Vermeer, l’Europe est le théâtre de guerres qui touchent les Provinces-Unies. C’est le quotidien des habitants que l’artiste représente dans ses scènes, mais pas que ! Il s’enrôle dans la milice de Delft et ses tableaux vont refléter le pays à travers des détails : des joueurs de cartes, l’évocation du drapeau avec la présence des couleurs rouge, blanche et bleu (comme dans le tableau de La Dentellière, avec des fils de ces couleurs qui dépassent du coussin)

En regardant les vêtements et les objets qui sont autour de la jeune fille, cela permet de comprendre que celle-ci est issue d’une famille aisée.

Parlons un peu de la dentelle en elle-même. Sa production minutieuse apparaît au début du 16e siècle. Le travail de l’entrecroisement de fils permet de créer des vides et des pleins donnant pour résultant final des motifs plus ou moins complexes. Celle présentée sur le tableau est celle réalisée aux fuseaux. Il s’agit de bobines de bois attachés sur un carreau, sur lequel un parchemin dessiné est épinglé. Sur ce parchemin est indiqué l’emplacement des épingles permettant de déterminer le motif à réaliser. Les bobines ont le rôle important de manier les fils sans les emmêler ni les salir (les fils sont le plus souvent en lin). La réalisation de la dentelle en fuseau est longue et complexe d’où son coût élevé. Malgré son coût, la dentelle reste un incontournable de la garde-robe de prestige tant féminine que masculine : manches, cols, mouchoirs et coiffes.

Je profite de parler de la dentelle pour vous indiquer, si vous ne le savez pas déjà, que la dentelle de Calais-Caudry vient de recevoir une Indication Géographique qui permet de « protéger » la production et le savoir-faire. C’est une première pour la région des Hauts-de-France et la 17e fois pour le pays.

Voici un lien vers une vidéo pour vous montrer le métier à tisser Leavers sur lequel travaillent les artisans à Calais et Caudry :

SI vous souhaitez en savoir plus sur ce dispositif, je vous mets le lien juste après : https://www.inpi.fr/la-dentelle-de-calais-caudry-homologuee-indication-geographique

Les artistes contemporains s’emparent de la technique de la dentelle, de ses outils pour créer leurs œuvres : Safâa Erruas, Hessie, Raphaël Barontini.

Un coup de cœur pour l’œuvre d’Annette Messager. J’ai beaucoup aimé l’explication, ainsi je vais retranscrire ce qui est écrit sur le cartel : « depuis les années 1960, Annette Messager détricote avec un humour corrosif les clichés, notamment sur les femmes, les artistes et le corps. Ici, la production de dentelle se rapproche du monde de la chirurgie par la précision et les outils mobilisés. Le fil se mue alors en veines et artères. Dans les schémas du circuit sanguin, le bleu symbolise le sang pauvre en oxygène, le rouge le sang oxygéné dans le cœur. Travaillant avec une dentellière de métier, Annette Messager a souhaité conserver visibles les épingles pénétrant ce corps de tissu au lieu de les ôter une fois la dentelle terminée. Montrer le travail en cours de réalisation participe de la beauté et de la force de l’œuvre »

Mais pour finir, je vous parle de la dentelière de Vermeer, mais ç quoi ressemble-t-elle ?

La voici 😊

Pour la voir, je vous donne rendez-vous dans la Galerie du Temps. Elle est facile à repérer car elle est installée sur une cimaise de couleur gris foncé alors que tout le reste est blanc. Elle est toute petite, donc il faudra être attentif et espérer ne pas avoir trop de monde au moment de votre passage.

Voilà pour le petit tour de l’exposition, profitez de votre venue pour visiter la Galerie du Temps en prolongeant par le Pavillon de verre. Vous avez jusqu’au 20 mai 2024 pour la présentation dans le Pavillon et jusqu’au 30 mai 2024 pour admirer La Dentellière de Vermeer dans la Galerie.

Voici le lien vers le site du Louvre-Lens pour préparer sereinement votre venue :

https://www.louvrelens.fr/informations-pratiques

A bientôt pour de nouvelles découvertes ! 😊

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