Une famille industrielle du Nord

Avez-vous deviné où Elicec se trouve ? Lors d’un après-midi de février, elle a accompagné sa guide conférencière pour découvrir une villa un peu particulière : la villa Cavrois ! Villa que nous devons à l’architecte Robert Mallet-Stevens.

Il est né à Paris en 1886, dans une famille où l’art est très présent : son père possède une galerie d’art ù des tableaux impressionnistes y sont exposé, et la famille de sa mère compte des artistes et des collectionneurs influents en Belgique. Il sort diplômé de l’École spéciale d’architecture en 1906 et publie rapidement des articles consacrées à l’architecture moderne. Mallet-Stevens prend aussi une part importante dans la diffusion des nouvelles idées architecturales et tendances provenant d’Autriche et des États-Unis. Les représentants de ces tendances sont : Josef Hoffmann, Adolf Loos, Frank Lloyd Wright. Il est également un des rares architectes français à s’intéresser aux recherches effectuées par le Bauhaus.

Il a la volonté de « lier ensemble les arts, de créer une unité […] L’architecture, la peinture,la sculpture se tiennent, se combinent, se complètent, s’pportent mutuellement les ressources de leur décoration »

Pourquoi particulière ? La réponse dans l’article ! 😉

La villa a été construite à la demande de l’industriel Paul Cavrois, une demeure pour une famille nombreuse des années 30. Paul Cavrois rencontre Robert Mallet-Stevens à Paris lors de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes en 1925 (celui-ci vient de terminer les travaux de la villa Noailles à Hyères). L’architecte effectuera un voyage en Belgique avec celui-ci pour lui faire découvrir des édifices bruxellois, qui seront déterminants car la brique jaune sera acceptée par le père de famille pour orner sa demeure. Il ne reste donc plus qu’à se mettre à l’ouvrage pour réaliser les plans et obtenir une villa qui est aujourd’hui considérée comme un des joyaux de l’architecture moderne de l’entre-deux guerres, une architecture ayant comme désir de transformer les conditions de vie avec l’intégration de nouvelles normes techniques mais en y associant l’esthétique.

« Le vrai luxe, c’est vivre dans un cadre lumineux et gai, largement aéré, bien chauffé, le moins de gestes inutiles, le minimum de serviteurs » (« L’architecture d’aujourd’hui », 1932)

Les espaces vont être organisés par l’architecte selon le dispositif classique tout en ajoutant de la modernité comme une partie centrale réservée à la vie sociale, une aile réservée aux parents et aux aînés tandis qu’une autre est réservée pour les enfants et les domestiques. En haut de la villa, sera aménagé une salle de jeux pour les enfants, une salle d’études et une salle à manger sur la terrasse. Le sous-sol est quant à lui destiné aux services et à la machinerie (de la cave à la buanderie, le chauffage, le fruitier, le local à bois, pièce pour stocker les malles).

La visite a commencé avec les extérieurs pour nous présenter le bâtiment, le contexte dans lequel il a été construit ainsi que la famille Cavrois.

Quelques mots pour découvrir un peu la famille ?

La famille Cavrois est établie est dans l’industrie du textile. C’est Jean-Baptiste (père de Paul, propriétaire de la villa) qui avait créé des usines modernes de filature, de tissage et de teinture de coton et de la laine, principalement à Roubaix.

Afin de loger confortablement sa famille, Paul achète, en 1923, des terrains sur la colline de Beaumont, à proximité de ses usines, comme le veut le gestion des entreprises à l’époque. Villa qui sera découverte par la société de l’époque lors du mariage de la fille Cavrois. Un moyen de montrer aux autres le statut social de la famille !

Une piscine privée qui fait rêver Elicec !

Ce qui l’impressionne, ce n’est pas vraiment la piscine mais le soin apporté par Mallet-Stevens au détail dans toute la villa. Tout est pensé pour la famille, ses activités personnelles et professionnelles, jusqu’au mobilier ! Très peu meublée à son ouverture au public le 13 juin 2015, le mobilier fait son apparition petit à petit grâce à des achats lors de ventes. Tout est pensé dans les moindres détails pour obtenir une harmonie sans pareil.

Très peu de photos et d’explications sur l’intérieur afin de vous laisser découvrir cette demeure sans pareil qui a de quoi émerveiller et étonner le visiteur.

Les enfants comme les adultes ont leurs espaces dédiés comme la salle à manger. La salle à manger des adultes est réalisée pour que tout le monde puisse voir le jardin, quelle que soit sa position dans la pièce, grâce à un habile jeu de miroir. Et les enfants ont aussi leur salle à manger !

La visite de l’étage arrive avec la montée de l’escalier, qui est très sobre mais qui a beaucoup plu à Elicec, avec la géométrie, la sobriété des lignes et la vue sur le jardin depuis la fenêtre !

L’étage est également séparé entre espaces pour les enfants avec les chambres très fonctionnelles, la salle de jeu géante, et les espaces pour les adultes. Je vous invite à suivre nous suivre dans ces espaces qui réservent des surprises de taille (!)

Chambre des parents sobre mais fonctionnelle avec les tiroirs intégrés pour le rangement dans le dressing et un mobilier élégant et chic qui réserve dans un coin le boudoir de madame (quand le fumoir de monsieur se trouve à côté de son bureau !)

Mais surtout l’accès depuis un autre endroit de la chambre à la salle de bain…

… qui a elle seule est plus grande que l’appartement où habite Elicec (!), soit 60 mètres carrés ! Pas de problèmes de place entre les placards avec lumière intégrée, une baignoire, une douche…

Quelque chose à ne pas manquer lorsque l’on ressort de la villa, c’est d’aller faire un tour dans le jardin pour la perspective. Eh oui, cela aussi a été étudié pour avoir les meilleures vues de la villa depuis le jardin ou depuis l’entrée.

Ce qui nous permet aussi d’évoquer le matériau qui a été utilisé pour la réalisation de cette splendide villa : la brique jaune. Notons, que les moules ont été spécialement réalisé pour le chantier (26!) afin de pouvoir répondre à toutes les situations : les angles, les courbes, les linteaux. Un détail aussi à ne pas négliger est le traitement des joints. Quant ils sont à l’horizontal, ils en retrait et peints en noir alors que les joints verticaux affleurent à la surface et sont jaunes. La villa Cavrois est le seul édifice construits par Mallet-Stevens à avoir une enveloppe en brique jaune.

Maintenant que le tour de la villa est terminée, évoquons un peu ce qui lui arrivé après sa construction jusqu’à l’ouverture au public.

La famille Cavrois réside dans cette villa jusqu’en 1939, date à laquelle, comme de nombreuses familles industrielles du Nord, elle est partie de se réfugier dans leur manoir normand. Malgré la guerre, les industries continuent de produire afin de subvenir aux besoins des familles ouvrières. La villa sera occupée par l »armée allemande qui la transforme en caserne pour à peu près deux cents soldats.

Après la Deuxième Guerre mondiale, seule les parents reviennent dans la villa et décident de la transformer parce Paul souhaitent garder auprès de lui ses fils et leurs familles. La demeure va ainsi être repensé pour accueillir la famille élargie. Les travaux se terminent en 1959. Mais l’année suivante, ses deux fils vont construire chacun leur maison au fond du parc, dans le style régionaliste afin d’exprimer leur rejet pour l’architecture moderne.

Tout le mobilier sera cédé à un antiquaire après la mort de Paul et Lucie. L’antiquaire emporte avec lui des éléments de décor. La demeure se dégrade petit à petit depuis 1965, et la décision de vendre la maison peut après le décès de leur mère en 1985 est aussi prise car le contexte évolue et que le quartier de la butte Beaumont est devenue l’endroit huppé de la l’agglomération lilloise, ce qui entraîne une augmentation de la valeur foncière du terrain. La villa sera rachetée par un voisin qui n’avait qu’une ambition : la raser pour construire un parc de six immeubles.

En 1990, une association d’amateurs est créée sous le nom de Association de sauvegarde de la villa Cavrois. Elle sera classée aux Monuments historiques le 12 décembre 1990. Le propriétaire des lieux voyant son projet anéanti, va laisser le pillage et le vandalisme faire son œuvre, aboutissant à une vente des decors de marbre dans les années 1993-1994.

Il faudra attendre le début du 21e siècle pour qu’un discussion autour d’une possible vente à lEtat s’negage avec le propriétaire., vente qui sera signée en 2001, mais avec une partie du terrain amputé (potager, roserais, poulailler…) La villa est devenue une ruine à la fois sublime et fantomatique avec des intérieurs ravagés, des ouvertures béantes et un terrain à l’abandon.

Le projet de restauration assez complexe dû au manque de documentation aura lieu de 2003 à 2015.

Et voilà la visite est terminée !

Plus d’informations pour préparer votre venue (billetterie, informations pratiques, …) sur http://www.villa-cavrois.fr/

Une réflexion sur “Une famille industrielle du Nord

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