Dans l’œil de la photographie allemande

Quelques semaines avant la fin de l’année 2023, je suis passée par le LaM à Villeneuve d’Ascq pour sortir de ma zone de confort en matière d’exposition temporaire. Cette fois-ci l’institution met en valeur un artiste allemand. Une très belle découverte avec des œuvres qui sont prenantes avant même d’aller lire le cartel et de connaître l’intention de l’artiste. Je vous propose ainsi une petite virée à travers l’objectif d’Anselm Kiefer 😊

Pour commencer, faisons un peu connaissance avec l’artiste lui-même :

« Né en mars 1945, quelques mois avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, installé en France depuis 1992, Anselm Kiefer est l’un des artistes allemands les plus importants de sa génération. Son travail est mondialement célébré, non seulement pour la puissance visuelle de ses réalisations, mais également pour la portée poétique et philosophique de sa démarche. Marqué par les paysages dévastés de son enfance, son œuvre s’est engagée à la fin des années soixante dans une exploration intime de la nature tragique du nazisme, qui a donné lieu à un important ensemble d’actions et de photographies. Après cette entame radicale, l’artiste a privilégié la peinture, la sculpture et la fabrication de livres, en travaillant des thèmes qui, nourris par sa connaissance profonde de la littérature et fondés dans l’histoire allemande, sont d’une grande diversité : mythes, architecture, destruction et création, alchimie, kabbale et géophysique par exemple.

Au cœur du processus créatif d’Anselm Kiefer, il y a la photographie. Aujourd’hui, il suffit de pénétrer dans son atelier près de Paris pour comprendre la place décisive de ce médium. Il est partout, aligné sur les murs dans des cadres en acier ou au sol en attendant une intervention, ou encore sous forme d’anciens clichés de la vie ordinaire jetés dans un bac, de photocopies punaisées sur des panneaux à roulettes auprès d’une peinture en cours, de pellicules enfermées dans d’innombrables rouleaux de plomb ou d’images collées sur de grands panneaux de métal de plusieurs mètres de long… Bien qu’il affirme penser en image et toujours utiliser la photographie pour réaliser ses tableaux – la qualifiant même « d’auxiliaire sainte » – Anselm Kiefer n’a que très rarement ou très partiellement présenté cette composante essentielle de son travail. Cette exposition est ainsi la première à faire le point sur sa pratique photographique, qui accompagne discrètement, mais depuis toujours son parcours. » (Extrait du panneau de présentation à l’entrée de l’exposition).

Nous commençons notre exploration avec celle du corps qu’Anselm Kiefer mets en scène dans ses photographies. Le corps entre en scène, le sien, dans les photographies dès la fin des années 1960. Une série, en partie exposée ici, est issue de ce qu’il a appelé les Occupations. Le principe ? il associe le corps aux stigmates de l’histoire. Ses actions se feront à travers la Suisse, l’Italie et la France. Cette série est la représentation de la conscience du silence pesant sur l’Allemagne, sur l’héritage nazi. Il revêt l’uniforme qu’avait porté son père pendant la guerre et se photographie devant des sites choisis avec soin en réalisant le salut nazi : « l’autorité, la concurrence, la supériorité […] ce sont des facettes de moi comme de n’importe qui d’autre. Je voulais découvrir comment je me serais comporté à l’époque »

Avec cette photographie, l’artiste sème le trouble : s’agit-il d’un soldat de la Wehrmacht photographié à l’époque du IIIe Reich ?

Kiefer fait partie de la génération hantée et traumatisée par l’histoire récente de son pays. Comme indiqué plus haut, avec cette série, il souhaitait savoir comment il se serait comporté à l’époque. Il décide alors d’incarner le Mal, de le vivre dans sa chair en se photographiant raide devant l’objectif en faisant le salut nazi.

« Je fais partie des bourreaux, du moins sur le plan théorique, parce que je ne peux savoir aujourd’hui ce que j’aurai fait à l’époque »

« Je ne m’identifie pas à Néron ou à Hitler… mais je dois faire un bout de chemin avec eux pour comprendre la folie. C’est pour cela que je fis ces tentatives de devenir fasciste »

Cette série est un geste radical pour plusieurs raisons. Le salut nazi était passible de prison en Allemagne depuis la fin de la guerre mais l’artiste risquait l’incompréhension, ce qui fut le cas dans les années 1970 (cette série de photographies a été réalisé en 1969)

Sur la deuxième photographie, nous pouvons noter que la photographie prise par l’artiste a été retouchée avec un ajout de gouache, rajoutant un ciel étoilé au-dessus de sa tête ainsi qu’une palette de peintre sur sa poitrine. L’inscription visible sur le bas de l’œuvre est une reprise du philosophe prussien Emmanuel Kant, qui a été traduite ainsi : « le ciel étoilé au-dessus de nous et la loi morale en nous ». Avec cette œuvre, Anselm Kiefer confronte plusieurs éléments : la loi cosmique et les impératifs moraux, les valeurs idéologiques promues comme celles du nazisme et la morale conforme au bien. Le corps possède toutes les forces de l’univers et l’art (représenté par la palette) est l’activité équilibrant les forces terrestres et célestes. Il est le lieu de la transformation, de la métamorphose de soi.

Ses « occupation », Besetzungen en allemand, intègre le tabou dans le processus artistique. Tout comme le psychiatre Carl Gustav Jung sur la prise de conscience du Mal, Anselm Kiefer opère une transformation intérieure qui peut être rapproché de la quête alchimique. C’est à cela que renvoie le Nigrado, du latin noirceur, qui est la première étape de création de la pierre philosophale pour laquelle il faut réaliser la calcination des matières putrides.

Ces mêmes années, il est subjugué par la lecture de l’écrivain français jean Genet, dont il dit : « Encore aujourd’hui, je ressens la même fascination pour la dichotomie qu’il entretient entre la lumière et la noirceur, chair et cristal, pour sa recherche de la dualité entre sainteté et abjection… »   D’ailleurs il se mettra en scène dans son atelier et utilisera les photographies dans des livres qu’il va dédier à l’écrivain français, un de ses auteurs favoris.

Il se photographie aussi devant le miroir, réalise une série d’autoportraits inédits nu, avec des tournesols ou de l’eau. Le corps n’est jamais vraiment le véritable sujet. Il apparait en ombre portée, en morceaux de corps collés (livre Die Frauen, « Les Femmes ») ou comme l’incarnation d’une idée. Par exemple, le corps allongé traversé par une branche symbolise la renaissance par la mort. Le corps des travailleuses démontre la reconstruction après la catastrophe.

A la fin des années 60 et dans les années qui suivirent, Anselm Kiefer a réalisé des livres à partir de photographies et de matériaux divers. Ces œuvres deviennent une biographie intellectuelle, « son labyrinthe intime ».  Elles permettent de suivre un artiste allemand né après le nazisme, « une mémoire sans souvenirs » comme a pu le qualifier l’historien de l’art Daniel Arasse. A partir de cette mémoire, nous pouvons y suivre ses pensées et ses références.

Dans ce corpus d’œuvre, l’image se transforme et donne une liberté peu commune. On y retrouve des photographies historiques, des photographies des Occupations, des vues de son atelier, des voies de chemin de fer, des tournesols, des paysages agraires, des sillons enneigés. Et surtout la photographie évolue, elle n’est pas toujours utilisée de la manière : parfois elle recouvre la totalité de l’espace, tout comme elle peut être délimité par un encadrement de papier ou morcelé pour composer un collage hétéroclite. Elle est recouverte de dessins, de terre, de sable ou associée à des objets comme des câbles ou des outils chirurgicaux.

Ces œuvres, livres sont marqués par l’histoire allemande comme nous pouvons le voir avec L’opération lion de mer (projet d’invasion de l’Angleterre conçu par Hitler et auquel le père de l’artiste devait participer) ou Landschaften (traduit par Paysages infertiles) sur lequel sont posés des instruments gynécologiques, stérilets et autres outils chirurgicaux. Ils manifestent une impossibilité de regarder les terres, marquées par la destruction et la violence de l’histoire.

Prenons le livre de droite, composé d’un paysage enneigé et d’une pince : « ici, le paysage garde la mémoire du passé. La terre allemande, tant célébrée dans la peinture romantique et honorée par le nationalisme, revêt les contours d’un paysage enneigé et silencieux, sous un ciel plombé. Le poids de la neige recouvre la honte et impose le silence, mais la terre, en-dessous, garde les traces de la destruction et des horreurs de la Shoah. La pince chirurgicale utilisée lors des accouchements, prolongeant les blessures de l’arbre dans les tréfonds du sol, rend-elle cette terre à tout jamais stérile ? Ou bien au contraire, est-elle là pour soigner ce paysage meurtri et faire renaître la vie ? »

Réunies par thèmes, les nombreuses variations photographiques dans la salle montrent aux visiteurs les sujets de prédilection de l’artiste. La plupart des vues présentes dans les toiles montrent le rôle joué par la photographie, discrète et pourtant omniprésente dans la construction de sa peinture. Elles sont parfois tirées plusieurs décennies après avoir été prises, et pour ces tirages il utilise plusieurs procédés.

Les tournesols sont très présents dans l’œuvre de l’artiste. Il a planté des tournesols japonais à Barjac (Gard) parmi lesquels il aime s’allonger. Ils deviennent le lien entre la terre et le ciel, entre le monde des hommes et l’immensité cosmique : « Pour moi, le tournesol lorsqu’il est lourd et mûr, lorsqu’il est tendu vers le soleil avec ses graines noircies dans sa couronne, là je vois le firmament des étoiles. » Pour l’artiste, tout comme le physicien mystique anglais Robert Fludd : « il n’y a pas une plante qui n’ait dans le ciel une étoile qui lui corresponde. »

Les œuvres placées sur les murs de la salle sont accompagnées par une série de vitrines présentant aux yeux des visiteurs des livres qui ont été créés par rapport à l’admiration portée à plusieurs écrivains. Il s’agit de résonances et non pas d’illustrations : « Je pense en images. Les poèmes m’aident à le faire. Ils sont comme des bouées dans la mer. Je nage devers elles, de l’une à la prochaine ; entre deux, sans elles je suis perdu. »

Changeons de salle, changeons d’ambiance.

La vitrine au centre de la pièce est composée d’un assemblage d’objets et de matériaux récurrents dans l’œuvre d’Anselm Kiefer : terre craquelée et meurtrie, vélo, rouleaux de pellicules qui tombent en cascade et sont emmêlées ainsi que des citations écrites à la main.

« Les films racontent ma vie. Le paradoxe vient de ce que les films sont collés sur du plomb totalement opaque »

Les quatorze vitrines sont rarement montrées. Elles sont composées de photographies familiales, d’archives, d’images anciennes. Le tout disposé sur des fonds de forêts profondes, celle de l’âme allemande (un des éléments fondateurs de l’identité allemande) mais c’est aussi la forêt dans laquelle sa famille se cachait pendant les bombardements.

A propos de ces dioramas, il écrit : « Mes dioramas sont des niches pleines de clairières de forêt qui découlent les unes des autres et désignent un lointain vaste et vide. J’ai inséré çà et là des étapes d’une vie allemande […] les époques se mélangent, c’est un aller-retour incessant, j’y tiens tantôt un rôle, tantôt un autre. Tour à tour nouveau-né, écolier qui fait sa première rentrée scolaire ou encore celui qui veut marcher sur l’eau… en sachant fort bien que je ne puisse jamais être que moi-même, quand l’être-soi est toujours déjà l’autre ».

L’histoire et la destruction sont des fils rouges dans l’œuvre d’Anselm Kiefer, notamment par le biais de la guerre, de sa violence et des conséquences qui en découlent pour le paysage. Les ruines deviennent un élément central dans son œuvre : « je les vois comme un commencement ». D’ailleurs, c’est sans oublier que les ruines sont souvent au cœur des grands mythes avec un personnage qui ressort de cela : Lilith. Elle est la première femme d’Adam, elle est une rebelle qui rôde dans les grandes villes, elle est séductrice et incontrôlable, souvent symbolisée par ses longs cheveux noirs dans l’œuvre de l’artiste.

En hébreu, le nom de Lilith signifie « la femme de la nuit » ou « le démon ». Selon la mythologie juive, elle apporte le malheur et le chaos.

Une vitrine qui m’a beaucoup interpellée est celle composé dé débris, je vous laisse la découvrir…

Est-ce qu’il y a quelque chose qui vous interpelle ?

Moi c’est le cerveau en résine qui trône parmi les débris…

Voici ce qui est écrit sur le cartel correspondant à cette vitrine : « La petite maison du cerveau est le titre donné à plusieurs vitrines d’Anselm Kiefer, réalisées à la suite de conversations menées avec l’écrivain allemand Alexander Kluge. On y voit un cerveau de résine, enfermé dans un amas de terre cuite et d’argile, de débris végétaux, en référence à une doctrine théorisée par le philosophe Platon, qui dit que le corps (sôma) est le tombeau (séma) de l’âme. Par-là, Kiefer évoque les décombres de l’Allemagne d’après-guerre, tout en affirmant son potentiel de renaissance – la ruine comme terreau de la création »

Les vestiges d’architectures deviennent la promesse d’un nouveau départ pour l’artiste, écho des ruines des villes allemandes de son enfance. L’architecture est un témoin tout en ouvrant les perspectives du futur. L’architecture est ainsi régulièrement représentée dans les photographies d’Anselm Kiefer. Qu’il s’agisse des photos de voyages (Égypte, Mexique et Yémen), de clichés pris en Inde (sites de production de briques ou un observatoire astronomique Jantar Mantar à Jaipur) ou encore les photographies urbaines prises à São Paulo en 1987 (certaines serviront d’encadrement pour les peintures du cycle consacré à Lilith).

Les ruines des bâtiments, des tours architecturales deviennent dans le travail de l’artiste une connexion au Ciel tout en renvoyant aux murs de Jéricho, dont la chute par le souffle des trompettes est décrite dans la Bible. Ces dernières préfigurent l’Apocalypse annonçant la fin des temps.

La troisième photographie reprend les thèmes références de l’œuvre d’Anselm Kiefer. Les fougères (une des plus anciennes plantes sur terre) reprennent sa fascination envers la nature ancestrale et donnent d’emblée au sujet une épaisseur historique. Les petites robes en plomb (symbolisant Lilith) rappelant que toute destruction est la promesse d’un avenir à venir. Enfin, le plomb, dont on connait le pouvoir de se transformer et de se métamorphoser, rappelle que l’art est une quête, un long chemin spirituel permettant d’accéder à un monde qui nous est inaccessible, selon la vision de l’artiste.

Parmi les différents matériaux qu’utilise Anselm Kiefer pour transformer ses photographies, le plomb est sans le plus récurrent en devenant caractéristique de son œuvre à partir du milieu des années 1970.  Le plomb est d’abord utilisé pour recouvrir ou altérer l’image. Mais ensuite, la technique de l’artiste évolue et celle qui deviendra la plus présente est de contre-coller le papier photographique sur une feuille de plomb. Le tout pourra être associé avec d’autres matériaux comme les végétaux. Le plomb c’est le matériau de la métamorphose par excellence, il détient des propriétés et une symbolique importante. En associant le plomb et la photographie, l’artiste métamorphose une matière qui a déjà évolué grâce à la lumière. C’est une image qui se recréée dans cesse, à chaque mutation.

Outre le plomb, un autre élément reste important dans l’œuvre d’Anselm Kiefer : la catastrophe originelle. C’est l’étude de l’histoire allemande qui le conduit à examiner les religions, les mystiques ou encore les mythologies.

Élevé dans le culte catholique durant son enfance et son adolescence, voici ses mots : « j’ai étudié le judaïsme comme quelqu’un qui est persuadé qu’il y a au-dessus de nous quelque chose qui nous dépasse ».

La vision du prophète Ézéchiel dans la Bible l’inspire pour son thème de la Merkaba. Cela évoque un véhicule spirituel qui dans la mystique juive permet l’ascension de l’âme à partir de la terre, traversant des sphères hostiles jusqu’à la réalisation de son unité. Les escaliers en zigzag ou en plein ciel, un vélo aux mouvements contradictoires, une échelle dressée sont autant de représentations de cette élévation et des difficultés rencontrées car en l’élevant on s’enfonce profondément à l’intérieur de notre être.

C’est ce message qui peut être perçu sur l’œuvre de la deuxième photographie. L’échelle est ici le seul moyen de relier la mer et le ciel. Tout un étant un moyen de s’élever, l’échelle est aussi le chemin pour descendre en soi et s’y retirer. Mais par la même occasion, l’artiste offre un message d’espoir malgré le ciel de plomb et la mélancolie qui s’échappe de l’œuvre. Ici, il veut nous faire comprendre que grâce à nos lectures, nos méditations, nous avançons sur cette échelle qui est en perpétuelle évolution grâce à la création artistique. « L’âme humaine pourra accéder à une forme de sagesse illimité, de la même manière que le plomb pourra se transformer en or ».

Un autre élément que mets en lumière l’exposition, c’est l’importante des ateliers d’Anselm Kiefer pour la création de son œuvre. Ils apparaissent régulièrement dans ses photographies, installés dans un désordre productif, qui sont des lieux de travail et de jeux. Ils deviennent les témoins de l’activité de l’esprit et du dialogue avec la matière. Le désordre qui règne peut représenter ce labyrinthe, les passages souterrains qu’empruntent l’esprit et paver son chemin.

Outre le plomb, le mythe original, se sont les paysages qui prennent beaucoup de place dans l’œuvre d’Anselm Kiefer. Pour lui, le paysage est l’image, il charrie son histoire et les croyances qui l’entoure. Il porte une mémoire et nous la transmet à travers les années. Aucun n’est innocent selon l’artiste parce que le paysage est chargé d’histoire et de symboles, mythes et idées. Il devient philosophique, magique, ou encore poétique.

La maison de famille était à proximité du Rhin, à la fois inspiration et frontière. Inspiration parce que lorsque les eaux inondaient la maison, il y voyait les mythes littéraires allemands comme autant de phrases coulant dans la cave. Frontière parce « l’on voyait les lumières sur l’autre rive. La terre qui s’étendait au-delà n’était pas une terre comme les autres pour l’enfant qui ne pouvait pas passer de l’autre côté, c’était une promesse d’avenir, un espoir, c’était la terre promise ».

Cette dernière photographie est impressionnante. De par sa taille mais aussi par le fait d’être aspiré dedans. Elle rappelle fortement Le voyageur contemplant une mer de nuages (Gaspard Friedrich), qui est un tableau que j’aime beaucoup. Je vous le mets ici pour ceux qui ne le connaissent pas ou qui veulent le contempler à nouveau 😉

Mais revenons à la photographie Der Rhein d’Anselm Kiefer.

« Vêtu d’un long manteau, debout face au fleuve, Kiefer nous tourne le dos. Nous contemplons ce que son regard embrasse. Le Rhin se déroule comme un long ruban occupant presque toute la surface de la photo. Par-delà, l’autre rive, recouverte des forêts allemandes si chères à l’artiste. Kiefer n’est pas sur un promontoire dominant le paysage : les pieds dans l’eau, il fait corps avec le fleuve. Le Rhin, à côté duquel il a grandi, évoque pour lui l’héritage de la culture allemande ; il charrie les contes et les légendes qui l’ont façonné, enfant. Le Rhin, ce sont aussi deux rives qui se font face et deux façons de voir le monde. Le Rhin est enfin une frontière qu’Anselm Kiefer a longtemps voulu franchir, rêvant à des ailleurs possibles. Il pousse aussi la réflexion plus loin, s’identifiant lui-même, en tant qu’artiste, à ce fleuve-frontière : « Quand je parle de frontière, je parle de notre essence même. Nous sommes la membrane entre le macrocosme et le microcosme, entre l’intérieur – ce que nous sommes – et l’extérieur, ce que nous sommes aussi. » »

Hanté par le passé et attiré par les visions prophétiques, Anselm Kiefer est aussi un contemporain en ce qu’il porte au plus haut, ou au plus bas dans les tréfonds de la honte et de la noirceur de l’âme, l’expression de la catastrophe en tâchant de l’exorciser.

Et voilà, la balade au cœur de l’œuvre d’Anselm Kiefer est terminée.

J’espère que cela vous donne envie d’aller admirer in situ les œuvres, de plonger dans ce magnifique univers artistique.

Je ne connaissais pas du tout l’artiste, mais j’en ai pris plein les yeux et je suis ressortie apaisée malgré les sujets parfois lourds évoqués dans ses œuvres. Si vous voulez encore plus plonger dans l’œuvre d’Anselm Kierfer, je vous conseille l’ouvrage des Éditons Beaux-Arts disponible dans la boutique. Sa lecture m’a encore plus permit d’apprécier l’œuvre grâce aux clés d’interprétations qui sont données au fil de la lecture.

Vous avez jusqu’au 3 mars 2024 pour vous rendre au musée du LaM à Villeneuve d’Ascq. Voici le lien vers le site du musée pour prépare votre venue dans les meilleures conditions.

https://www.musee-lam.fr/fr/horaires-acces

A bientôt pour de nouvelles découvertes dans les Hauts-de-Franc ou ailleurs 😊

2 réflexions sur “Dans l’œil de la photographie allemande

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