L’habit ne fait pas le moine

Direction le musée Sandelin pour mettre en lumière le focus sur les estampes japonaises qui est présenté jusqu’au 10 novembre 2024. La collection d’art japonais est très riche et fragile comme les estampes. La conservation de celles-ci ne permettant pas une exposition de longue durée, le musée Sandelin a pris le parti de faire des focus thématiques afin de pouvoir permettre aux visiteurs d’apprécier à tour de rôle les différentes œuvres parfois signées par de grands noms japonais.

Si vous avez besoin d’un petit rafraîchissement concernant la technique de l’estampe, je vous laisse le lien de l’article que j’ai rédigé à la suite de mon passage au musée du Dessin et de l’Estampe Originale à Gravelines « C’est quoi une estampe ? » : https://danslespasdececile.blog/2023/11/02/cest-quoi-une-estampe/

Concernant l’explication des estampes, je vous remets les éléments présents sur le document d’aide à la visite 😊

Cette fois-ci mes collègues ont choisi le thème du costume. Partons à découverte de celui-ci à travers des œuvres datant du 18e et du 19e siècles.

Commençons par mon coup de cœur qui représente un enfant de samouraï, réalisé par un artiste anonyme sur du papier Japon au 18e siècle.

« Ce jeune enfant accompagné d’un jouet en bois porte un kimono bleu délicatement réhaussé de motifs animaliers tels que la grue. Son obi de faible largeur se confond presque avec le reste de sa tenue. Le rang assez élevé de sa famille se devine avec les deux autres épaisseurs rouges et vertes visibles au niveau des manches, du col et de la partie inférieure. Le clin d’œil à son statut de samouraï se perçoit au petit katana fixé à son obi. Il porte uniquement une paire de tabi (chaussettes), confirmant le fait qu’il s’agit d’une scène d’intérieur. »

Quelques informations sur le kimono que vous pouvez retrouver dans la salle

« Signifiant « chose que l’on porte sur soi », le kimono constitue le vêtement national du pays. Utilisé uniquement lors de cérémonies de nos jours, il est encore porté au quotidien jusqu’au début du 20e siècle. Vêtement unisexe, il forme un T rectiligne et descend au niveau des chevilles. Ses manches sont très évasées et peuvent toucher le sol lorsqu’il est porté par une femme non mariée. Le rabat gauche vient sur la partie droite (sauf lors de funérailles) et l’ensemble est attaché par une grande ceinture nouée à l’arrière appelée obi. Un vêtement proche du kimono mais plus léger, appelé yukata, est porté notamment en été.

Par-dessus le kimono vient s’ajouter une veste appelée le haori, qui se porte ouvert ou noué sur le devant avec une cordelette, laissant apparaître les motifs du kimono et de l’obi. Le nombre de couches de vêtements composant un kimono a son importance : c’est un marqueur social, notamment pour les membres de la cour. Ces derniers portent un jūnihitoe, composé de douze couches de vêtements, son poids total pouvant atteindre vingt kilos. Laisser apparaître le nombre de couches de vêtements au niveau du col et des manches permet de se distinguer socialement. »

En Asie, et particulièrement au Japon, les animaux sont très symboliques et c’est le cas de la grue qui est synonyme de longévité. Si vous souhaitez en savoir plus sur cet animal, je vous invite à cliquer sur le lien ci-après. Il vous communique des informations sur la symbolique mais aussi sur la légende associée à l’animal.

Après l’enfant de samouraï passons au samouraï lui-même 😊

L’estampe réalisée par un artiste anonyme au 18e siècle représente le samouraï Kâto Kiyomasa.

« Kâto Kiyomasa (1562-1611) était un samouraï valeureux. Il est représenté assis, accompagné d’un éventail replié et se son katana (sabre), portant le gyōtō hakama (sorte de jupe plissée). Il est coiffé comme les samouraïs de l’époque Edo, c’est-à-dire le dessus du crâne rasé et le reste des cheveux repliés comme un chignon. Cette coiffure appelée chonmage permet de mieux maintenir le casque. Elle se transforme progressivement en une marque de statut social, les derniers porteurs du chonmage de nos jours étant les sumo. »

Les samouraïs ont toujours fasciné, je vous laisse cliquer sur le lien suivant vous emmenant sur le site « Univers du Japon » : https://universdujapon.com/blogs/japon/samourai

Et je vous conseille également le livre sur le sujet réalisé par Nota Bene qui vient de paraître 😊

Un focus précédent avait pour thème la guerre, je vous laisse le consulter « Récits guerriers » : https://danslespasdececile.blog/2023/10/21/recits-guerriers/

Les Bijin sont à nouveau à l’honneur avec cette estampe les représentant pendant le moment de la toilette. Estampe réalisée par Kiyonaga Torii, entre 1781 et 1784

« Ces trois geishas du quartier de plaisir Tachibanachô sont occupées à leur toilette. Elles sont très richement parées comme le laisse voir le nombre de couches de vêtements. On voit particulièrement bien les deux grands pans de tissus repliés sur eux même qui amplifient la tunique en largeur. Le kimono bleu est orné d’un motif de chidori, un petit oiseau migrateur connu pour affronter les éléments. Il est souvent associé au motif de rivière ondulée qui est peut-être évoquée ici par le choix de la couleur bleue. »

Voici le lien vers l’article réalisé lors de la présentation du focus sur les Bijin « L’art de l’estampe et les Bijin » : https://danslespasdececile.blog/2020/06/03/lart-de-lestampe-et-les-bijin/

Une deuxième estampe mets en avant les jeunes femmes japonaises. Ici, vous pouvez admirer deux jeunes filles se promenant sous une ombrelle. Estampe réalisée d’après Toyonobu Ishikawa

« Ce couple de jeunes femmes se promène sous une ombrelle. Elles portent des yukata (kimono léger) et sont chaussées de tabi (chaussettes) et de geta (entre le sabot et la tong). L’usage abondant du rouge vif contraste fortement avec le choix d’autres couleurs plus discrètes. Toyonobu Ishikawa (1711-1785) est un virtuose de l’estampe connu pour ses couleurs vert et rose, particulièrement éclatantes. »

Cette fois-ci, grâce à cette estampe nous pouvons nous intéresser aux chaussures portées. Deux éléments sont visibles ici : les tabi et geta.

« Les tabi sont des chaussettes en coton et séparent le gros orteil des autres. Elles connaissent unsommet de popularité au cours de l’époque d’Edo (1603-1868). Autrefois, elles étaient faites de cuir et portées par les classes supérieures et les samouraïs

Les geta sont des sandales à mi-chemin entre le sabot et la tong. Elles se composent d’un morceau de bois soutenu par deux dents, tenues sur le pied avec une cordelette qui divise le gros orteil des autres doigts de pied. Les geta à la semelle très élevée, permettent de se protéger de la pluie ou de la neige. Elles sont portées avec les chaussettes tabi et un yukata (kimono léger). »

Avec l’estampe suivante, nous partons dans les rues avec les divertissements comme ce montreur de singe, réalisé par un artiste anonyme à la fin du 19e siècle.

« Voici un témoignage très pittoresque des divertissements de la rue. Ce montreur de singe très avenant est à la recherche d’un lieu où faire donner une représentation des capacités de son singe. Le macaque japonais placé sur son dos est grimé en être humain et porte dans le dos des bannières, qui le font ressembler à un soldat bien qu’elles soient vierges. Le tambourin porté à la taille de l’homme et le cerceau monté sur une tige sont les deux autres instruments du spectacle. Le personnage est chaussé de tabi (chaussettes) complétées par une paire de waraji (sandales). Notons la très grande vivacité du bleu qui dénote une production tardive. »

Quelques informations sur les sandales waraji que porte le personnage : « Les waraji sont des sandales faites de corde de paille et traditionnellement les plus utilisées par le peuple. Au cours de la période Sengoku (1467-1573), qui est marquée par les guerres de paysans, elles deviennent populaires chez les samouraïs, dans la mesure où elles sont portées lors des batailles à pied. De nos jours, les waraji sont portées presque exclusivement par les moines bouddhistes. Elles sont également portées avec les tabi (chaussettes). »

Quittons les divertissements de rue pour nous tourner vers le théâtre

Continuons avec la prochaine estampe mettant en scène l’acteur Segawara Tomizaburô I dans le rôle d’une danseuse Shirabyôshi, réalisée par Kiyotsune Torii vers 1763

« L’acteur Segawara Tomizaburô I (1751-1810) était considéré comme le meilleur onnagata (homme tenant des rôles de femmes) de l’archipel. En effet, le métier d’acteur est interdit aux femmes sous le shogunat. Le mouvement de l’acteur est rendu par le bouillonnement abstrait de son costume. Il se compose de différentes couches aux tons clairs, achevées par un kimono décoré d’imposantes fleurs et de motifs géométriques sur la partie basse. L’ensemble est complété par un haori (veste) aux tons clairs et rappelant quelques motifs du kimono en négatif. »

Pour en savoir plus sur le théâtre qui a déjà fait l’objet d’un focus, direction l’article su blog « Kabuki ou Nô ? » : https://danslespasdececile.blog/2020/03/18/kabuki-ou-no/

Et nous terminons ce tour des estampes sur le costume avec le Shoki maîtrisant un démon, d’un artiste anonyme de la deuxième moitié du 18e siècle.

« Shoki est un géant protégeant les humains des démons. Il serait apparu en rêve à l’empereur chinois Tang Xuanzong (7e-8e siècle), qui, à son réveil, aurait décrit à un peintre sa vision ; l’histoire se diffusa ensuite largement en Chine et au Japon. Shoki apparaît habillé à la mode chinoise avec des bottes, un pantalon bouffant recouvert d’une robe et une coiffe de cour. La peinture ou le dessin dans le style chinois est un pan à part de l’art japonais. »

Et voilà le séjour éclair au Japon par le biais des estampes du musée Sandelin est terminé.

Il y a un dernier article que vous pouvez consulter sur mon blog concernant les estampes sur le thème du paysage qui ont été exposé juste avec celles sur les costumes « Paysages gravés » : https://danslespasdececile.blog/2023/11/23/paysages-graves/

Et voici le lien vers le site du musée pour préparer votre venue 😊 : https://www.musees-saint-omer.fr/informations-pratiques/

A bientôt pour de nouvelles découvertes en Hauts-de-France ou ailleurs !

6 réflexions sur “L’habit ne fait pas le moine

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  5. J’ai aimé ta façon de connecter le kimono au monde des estampes japonaises et aux codes vestimentaires anciens. Le passage sur le samouraï enfant avec son kimono bleu est visuel, ça nous rappelle que le vêtement porte autant d’histoire que d’esthétisme. Tu crois que ce lien entre image, costume et statut pourrait inspirer une mode contemporaine où le kimono redevient objet de narration ?

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