Elicec a été de passage au musée de Flandre à Cassel pour déambuler dans les salles de l’exposition temporaire : Sacrée architecture. C’est l’occasion de mélanger deux mondes, celui des musées et celui des collectionneurs.



Ce qui est intéressant dans la thématique de l’architecture religieuse présentée dans les salles, c’est que nous entrons littéralement dans les édifices, les artistes, qu’ils soient flamands ou hollandais, construisent leurs œuvres pour les yeux.
Elicec et sa guide conférencière ont d’ailleurs un défaut, c’est qu’elles adorent se perdre dans les recoins des œuvres. Ici, elles sont servies, entre les détails d’architecture, du mobilier, ou encore de la vie quotidienne, il y a de quoi faire !


Comme précisé au début de l’article, deux mondes se rencontrent. Le collectionneur qui souhaite rester anonyme a pendant des décennies fait des acquisitions pour constituer sa collection. Mais comment cela a commencé ?
« A la fin des années 1970, notre collectionneur passe devant la galerie Green à Londres. Dans une grande vitrine est mis en valeur un tout petit tableau de Pieter Neefs, représentant un intérieur d’église qui attire immédiatement et hypnotiquement son regard. Il est sous le charme. Il entre, franchit le cap, discute avec le marchand et achète son premier coup de cœur. Aujourd’hui encore quand il se remémore ce moment, l’œil pétille, la voix s’accélère » (extrait d’OKV)
Sa collection n’est pas seulement constituée de tableaux, mais également de jolies rencontres, d’accès à des lieux splendides et secrets ou encore de recherches.



Ce qui est remarquable dans les tableaux présentés, c’est notamment l’attention portée à l’architecture de précision. En effet, les artistes construisent les œuvres pour l’œil de l’admirateur. Une vue générale de la nef du bâtiment permet un voyage visuel le long des colonnes, de traverser l’espace sacré et pourtant de s’arrêter à différents endroits pour observer un tableau, un obiit, une scène de la vie quotidienne qui, pour certaines, obéissent à des règles sociales et/ou religieuses, comme la cérémonie des relevailles que l’on aperçoit sur les photos du tableau qui suit. Il s’agit d’une cérémonie mise en place 40 jours après l’accouchement. Pendant cette période, la jeune maman est considérée comme impure et est interdite d’église, le baptême est ainsi réalisé sans sa présence afin de permettre au nouveau-né d’intégrer le monde chrétien. La cérémonie permet à la maman de réintégrer l’église. Cela est visible sur le tableau avec le cortège de femmes au premier plan. La maman est reconnaissable car en tête du groupe et portant un tissu rouge dans les mains. Les femmes l’accompagnant sont celles qui ont été auprès d’elle pendant cette période de 40 jours. Le prêtre recouvrait la tête de la jeune femme avec son étole, lui offrait la communion puis l’aspergeait d’eau bénite pour la purifier.


Une atmosphère sereine émane de ses tableaux d’une pureté étonnante pour certaines d’entre eux, renforcé par le clair-obscur ou encore les scènes de nuit. Très peu sont représentées, mais l’une d’entre elles a accroché l’œil d’Elicec…

Calme, mystère, solitude… tout cela est présent sur ces représentations nocturnes qui fascinent encore plus les représentations de jour des intérieurs d’églises. Pourquoi ? Parce que cela révèle la dextérité de l’artiste qui doit maîtriser la technique du clair-obscur, donnant ainsi des jeux de lumière splendides et des scènes intimistes. Des figures diaphanes apparaissent au détour d’une chapelle, à la lueur des cierges. Nous avons presque envie d’aller nous agenouiller avec les fidèles pour partager leur quiétude… D’ailleurs, c’est ce qui arrive souvent à la guide d’Elicec dans les édifices religieux, elle se sent apaisée, calme, reposée…


Encore quelques photos représentant d’autres intérieurs d’églises, des détails de ceux-ci. Parfois c’est l’occasion de découvrir les éléments de mobilier présents dans les édifices et qui peuvent parfois intriguer lorsque nous ne connaissons pas son utilité. Entre orgue, retables, jubé, Elicec vous laisser profiter des photos qui suivent.



L’œuvre suivante permet notamment de voir le jubé, mais est-ce que vous savez en quoi consiste cet élément architectural ? Il s’agit d’une clôture permettant d’ « isoler » le chœur, espace sacré dédié aux religieux, de la nef qui elle, est à l’usage des fidèles. Ici, il y a une particularité, c’est que le chœur est surélevé !


L’exposition et la collection mettent en avant une époque particulière pour la religion, mais intéressante pour l’histoire de l’art. Nous sommes au 16e siècle, période où le protestantisme monte en puissance. La région est soumise à des révoltes iconoclastes, destructions des icônes, du mobilier dans les édifices catholiques. Une des révoltes les plus connus est celle des gueux en 1566. Elle démarre à Steenvoorde avant de s’étendre en Flandre méridionale (Ypres, Werwick, Bailleul, Bergues, Cassel) pour ensuite frapper l’Artois. La révolte va suivre les cours d’eau tels que la Lys ou l’Escault, pour gagner Gand, Malines et Anvers. Elle s’éteindra d’elle-même en entrant dans les Provinces-Unies après plus de deux mois de révoltes et de violences.
Cela entraîne ainsi une refonte de l’Église et la perception qu’elle veut donner aux fidèles. Mais ce que l’on peut noter, c’est que les intérieurs d’églises ne montrent pas forcément ces blessures. Le genre des peintures d’intérieurs d’églises prend son envol suite à cette « annus mirabilis ».


La deuxième partie de l’exposition met à l’honneur la peinture hollandaise, qui peut paraître plus austère mais il n’en est rien ! Les œuvres sont aussi éblouissantes que les intérieurs d’églises catholiques. Cela permet également de comprendre des aspects des cérémonies protestantes, comme l’importance de la chaire lors des prêches. Auparavant dans les bas-côtés, elle est désormais un élément central, les fidèles sont debout et autour de celle-ci, et non plus assis.
Tout comme les peintres flamands, les hollandais insèrent des scènes de la vie quotidienne et représentent aussi des intérieurs totalement imaginaires. Cela permettant de construire de toutes pièces des espaces pour piéger l’œil, pour que celui-ci aille d’espaces en espaces et d’être constamment surpris par les détails architecturaux représentés.



Dans le culte protestant, une chose peut peut-être perturbé certains visiteurs : la présence d’un fossoyeur en plein travail ou d’une tombe. Pas de cérémonie comme chez les catholiques, mais quelque chose de plus simple.



Les artistes hollandais vont également changer de point du vue pour leurs œuvres. Quand les flamands se placent dans le narthex (espace juste avant le début de la nef) pour embrasser la totalité de la nef, les hollandais vont parfois se placer dans les bas-côtés ou dans le transept, offrant ainsi des perspectives et des constructions différentes agréables pour l’œil. Notez également une présence beaucoup plus régulière des obiit, blason funéraire représentant le blason de la famille. Cela permet, entre autre, de faire perdurer le souvenir des personnes disparues.





Terminons cet article avec le coup de cœur d’Elicec et de sa guide, une œuvre d’art contemporain : Nautilus Penta réalisé par Wim Delvoye. Un nautile entièrement réalisée en dentelle d’architecture. L’artiste réalise son œuvre sur plusieurs années, avec des croquis et beaucoup d’heures de travail sur un logiciel pour créer une œuvre inimitable. Véritable découverte et avouons-le, si un jour, ce nautile gothique vient à intégrer les collections du Musée de Flandre, se serait juste magnifique !


Et voilà pour l’article, il ne vous reste plus qu’à vous rendre à Cassel avant la fermeture de l’exposition si vous en avez la possibilité 😊
Voici le lien vers le site du musée afin de préparer votre visite :