Le mois d’octobre a vu une virée d’Elicec à Paris en bonne compagnie ! En effet, sa guide-conférencière était accompagnée d’une de ses amies et de son compagnon pour partir à la découverte de Joseph Mallord William Turner, au musée Jacquemart-André. Une aubaine, car l’exposition devait se terminer pendant l’été mais une prolongation a eu lieu. Ouf !
L’exposition est l’occasion de présenter une partie du legs Turner, reçu par la nation britannique en 1856, qui est une des plus importantes de l’activité créatrice d’un seul artiste. Ce fonds est considéré comme intime, expressif et expérimental, mais surtout elle présente un aperçu de la pratique privée de ce grand peintre romantique.
Plusieurs thèmes sont mis en avant afin de balayer la carrière de Turner, en passant des œuvres de jeunesse, sa découverte de l’Europe et ses voyages, la nature mais aussi la lumière et les couleurs. Partons ainsi en voyage avec le peintre Turner ! 😊

L’exposition commence, comme souvent lorsqu’il s’agit d’un artiste unique, par les œuvres de jeunesse. Turner a été élève à la Royal Academy, et il y développera ses talents de dessinateur en travaillant avec des architectes.
Il va ainsi prendre l’habitude de partir en voyage avec des carnets de dessins en quête d’inspiration afin, soit de satisfaire les commandes, soit de réaliser des œuvres qui seront présentées lors des expositions de la Royal Academy.
Avec les œuvres de jeunesse, le visiteur peut se rendre compte de la rapidité des progrès de Turner à travers ses études de paysages au cours de ses voyages. Voyages qui l’éloignent de plus en plus de Londres, avec une découverte progressive du reste de l’Angleterre, du Pays de Galle et de l’Écosse. Il se cantonne à ce moment-là à la Grande-Bretagne car la guerre contre la France empêche les voyages outre-Manche.



« Il peint en couleurs, mais il pense en lumière et en ombre » (John Ruskin)
La brève paix d’Amiens entre 1802 et 1803 va permettre au peintre de partir à la découverte des Alpes suisses, avant de devoir retourner en Angleterre jusqu’à la défaite de Napoléon Ier en 1815. Cela ne va l’empêcher d’ouvrir sa galerie à Londres en 1804 pour y organiser des expositions personnelles. Ceci avant de devenir professeur de perspective à la Royal Academy en 1807. Il continuera en parallèle de l’enseignement sa production d’aquarelles afin de consolider sa renommée.
Dès que la paix devient durable en Europe, il s’échappe pour partir à sa découverte : il parcourt les Pays-Bas en 1817 ainsi que la Rhénanie allemande. Ses voyages sur le continent vont se poursuivre pendant plus de trente ans pour le plus grand bonheur des yeux ! 😊



L’Italie va être importante également pour Turner parce qu’il va y effectuer son « Grand Tour » pendant six mois.
Mais qu’est-ce que le « Grand Tour » ?
Il s’agit pour les artistes de se familiariser avec le métier de peintre, dessinateur ou sculpteur et même d’architecte. Ils peuvent accompagner de riches voyageurs et même rapporter des œuvres afin de les diffuser dans leur pays et sphères artistiques. Certains progrès et tournants décisifs se font lors de ces voyages. Par exemple, au 18e siècle avec la découverte des citées ensevelies telles que Pompéi, que le paysage de ruines va apparaître dans les œuvres.


Mais revenons à Turner, même si son tour se concentre à Rome pour y étudier les grands monuments, l’art et les antiquités ; il va se rendre à Venise et à Naples. Son périple dans le Sud va être décisif pour sa carrière : accentuation de sa lumière et de la couleur (qui est déjà intense).
Pendant ses voyages européens, Turner aime peindre des paysages : petites et grandes villes. Il réalise ainsi des aquarelles ou des gouaches sur des papiers teintés, qu’il transporte dans ses carnets qui ne le quittent jamais. Il dessine sur le vif et ajoute plus tard les détails à l’aquarelle lorsqu’il se trouve dans un intérieur (auberge ou lors de ses retours à Londres). Mais il existe des exceptions, car selon son compagnon de voyage en 1836, Turner aurait effectué des paysages à l’aquarelle en extérieur.



« Ce sont les fêtes célestes et fluviales d’une nature sublimée, décortiquée, rendue complètement fluide, par un grand poète » (J.K. Huysmans)
En parallèle de ces voyages sur le continent, il continue l’exploration de l’Angleterre en faisant suite aux différentes sollicitations des éditeurs de gravures. Turner va effectuer plusieurs dessins pour les séries des Marines, Les Rivières anglaises et Les Ports anglais ou encore l’importante série des Vues pittoresques d’Angleterre et du Pays de Galles.
Les aquarelles de Turner vont parfois être amenées à illustrer sur demande des écrits : les écrits du poète et romancier Sir Walter Scott, les poèmes de Samuel Rogers.


La suite de l’exposition met en avant un aspect particulier de l’artiste : sa pratique de l’aquarelle. En effet, Turner réalise parfois des études en couleur aussi détaillées qu’une œuvre aboutie. Il explique lui-même qu’il ne travaille « pas selon un processus établi, mais joue avec les couleurs jusqu’à ce qu’il ait exprimé les idées qu’il a en tête ».




« Un unique coup de pinceau décidé d’un peintre comme Turner aura souvent plus de signification, une grandeur qu’une œuvre achevée d’un peintre de second rang ne saurait atteindre » (Critique de l’exposition de la Royal Academy en 1850).
L’exposition met aussi en avant les aquarelles réalisées au sein du domaine de son protecteur Lord Egremont dans le Sussex. Les aquarelles montrent ainsi le manoir et ses habitants. Le visiteur aura ainsi l’impression d’entrer dans l’intimité du manoir. Des scènes montrant les collections ou la vie quotidienne des personnes y résidant.



« Mon travail consiste à peindre ce que je vois, non ce que je sais être là » (Turner)
Petit à petit, nous nous dirigeons vers ce qui est appelé les œuvres de la maturité, constituant la dernière décennie de sa carrière (milieu des années 1840). Contrairement aux œuvres du début de carrière, qui sont destinées à des expositions ou des éditeurs, ces œuvres sont consacrés à un cercle restreint de collectionneurs ou encore d’amateurs avant-gardistes. Enlevant cette pression des commandes publiques, Turner va avoir une production privée beaucoup plus productive. Il reprend goût à peindre sans avoir une nécessiter de dessiner pour des commandes.
Venise va lui inspirer une série d’aquarelles et de toiles à toute heure du jour et de la nuit, avec un jeu splendide entre la lumière et les reflets de l’eau. Un critique d’art va d’ailleurs le qualifier de « magicien » qui « commande aux esprits de la Terre, de l’Air, du Feu et de l’Eau ».
« Aucun peintre, dans une école, n’a peut-être aussi merveilleusement peint les effets de la lumière subtile et impalpable » (William Bürger)


Terminons notre déambulation avec les « dernières œuvres ». Ses paysages mêlant la mer, le rivage et le ciel font partie des œuvres réalisées lors de deux derniers brefs séjours dans le Nord de la France, alors que sa santé décline. En revanche, aucun indice de date ou encore d’un lieu pour ces aquarelles faites pour son propre plaisir.
Turner va laisser à sa mort en 1851, un fonds d’une variété et d’une richesse exceptionnelles.
Il a régulièrement été désigné comme un touriste professionnel, selon plusieurs historiens britanniques : il est l’artiste romantique (tous siècles confondus) qui a le plus voyagé à une époque où les conditions matérielles et politiques ne facilitaient pas les déplacements. Plus de vingt voyages en Europe entre 1802 et 1845 (France, Suisse, le Rhin, Rome, Paris, la côte normande, la Meuse, La Moselle, la remontée des fleuves jusqu’en Allemagne, Ostende, Dieppe, Les Pays-Bas, la Bretagne, l’Italie, Vienne, le Danemark, la vallée du Neckar. Sans oublier ses voyages en Angleterre, Pays de Galles et Écosse 😉), c’est à en faire pâlir les passionnés de voyage. N’oublions pas qu’à l’époque, certains artistes ne quitteront pas la région qui les a vus naître, c’est le cas de l’artiste John Constable par exemple.


« Chacun de ses tableaux est un monde vivant qui se suffit à soi-même » (Le Monde, 1948)
Et voilà pour l’œuvre de Turner présentée lors de cette exposition. Une très belle découverte pour Elicec et qui lui donne envie de se plonger encore plus dans son univers lors d’un prochain passage à Londres. Et si vous souhaitez emporter un peu de Turner sans vous ruiner, en connaître plus sur son œuvre, Elicec vous conseille le hors-série de la collection « Connaissance des Arts » : il permet d’avoir des informations sur l’œuvre et l’artiste tout en restant accessible à tous 😊 (vous pouvez le retrouver sur la boutique en ligne dont voici le lien : https://boutique-culturespaces.com/fr/librairie/1439-hors-serie-connaissance-des-arts-turner-peintures-et-aquarelles-de-la-tate)
Malheureusement au vu du contexte sanitaire, nous ne savons pas si l’exposition sera prolongée, mais voici le lien vers une visite virtuelle de l’exposition : https://www.musee-jacquemart-andre.com/fr/decouvrez-visite-virtuelle-lexposition
Voici le lien pour préparer votre future visite au Musée Jacquemart-André, bâtiment qui vaut le détour ainsi que les collections qui y sont présentées en dehors des espaces temporaires : https://www.musee-jacquemart-andre.com/fr/preparer-sa-visite/horaires-et-acces
Pour terminer l’article, voici la palette ainsi que les pigments que Turner emportait avec lui pendant ses nombreux voyages.

